• La physique mathématique n'est peut être pas la ligne de combat la plus adéquate pour le "travail" que nous nous sommes fixés ici : combattre le Mal sous sa forme "religieuse", celle qui conditionne toutes les autres, et notamment la politique; et cela signifie combattre l'athéisme insidieux qui se dissimule sous la croyance religieuse, celle qui affirme que "DIEU EST", et qui affirme cela non selon les démonstrations de la simple raison humaine, mais en se munissant de "révélations mystérieuses et sacrées".

    Rappelons ici l'admirable "démonstration" de cette "complicité" entre athéisme et "réalisme religieux" par Brunschvicg dans l'article "Spiritualisme et sens commun" :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110519 (aller page 531 à 545)

    démonstration qui culmine en cette proposition qui devait être gravée en lettre d'or, ou de sang  (ou, si l'on admet avec Nietzsche que seul ce qui est écrit avec du sang demeure) aux frontons dorés de la République:

    "en définitive, les trois propositions génératrices du scepticisme, de l'immoralisme, de l'athéisme, sont : le vrai est, le bien est, Dieu est"

    La théorie des nombres constitue peut être le champ de bataille idéal, puisqu'il est celui où s'est constituée l'intelligence occidentale, lors de la "scission" des pythagoriciens entre acousmatiques (disciples de la foi en la révélation du Maître) et mathématiciens (ne se fiant qu'à l'acte pur de la raison).

    Et ce domaine n'est sans doute pas très éloigné de la physique, puisque celle ci se base sur la mesure, et donc sur des "nombres" , quelle que soit leur forme ; voir cet article prodigieux :

    Number theory as the ultimate physical theory

    http://www.maths.ex.ac.uk/~mwatkins/zeta/volovich1.pdf

     D'ailleurs, si la mathématique est la reine des sciences, la théorie des nombres (ou "arithmétique") n'est elle pas, comme le disait Gauss je crois, la reine des disciplines mathématiques ?

    On pourrait donc soutenir à bon droit que la discipline ou connaissance première, celle qui conditionne la vérité de toutes les autres connaissances, est non pas l'ontologie ni même la mathématique de la théorie des ensembles (cf Badiou) mais la théorie des nombres sous sa forme la plus générale.

    Comme toujours c'est Brunschvicg qui dans l'introduction au "Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale", établit la ligne de front sous sa forme la plus nette :

    http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/progres_conscience_t1/progres_conscience_t1_intro.html

    "Il y a plus : si on laisse de côté ces barbares qui, après avoir asservi la Grande-Grèce et tué Archimède, ont jusqu’à la Renaissance régné sur le monde méditerranéen , il reste qu’à l’intérieur du monde hellénique, et en commençant par l’école de Pythagore, la lumière de la sagesse n’a été qu’une apparition fugitive. C’est qu’en effet l’opposition entre le savoir-faire empirique et la réflexion sur les principes et les méthodes ne correspond qu’à l’aspect de la question le plus abstrait et le plus spéculatif : « L’homo faber, remarque M. Thibaudet, a pu être défini aussi un animal religieux . » C’est-à-dire que l’homo sapiens a eu à se confronter, non seulement avec l’homo faber, mais encore avec l’homo credulus...

     Ces observations contiennent le secret de l’histoire du pythagorisme. L’homo sapiens, vainqueur de l’homo faber, y est vaincu par l’homo credulus. Grâce aux démonstrations irréprochables de l’arithmétique pythagoricienne, l’humanité a compris qu’elle possédait la capacité de se certifier à elle-même, non pas des vérités qui seraient relatives au caractère de la race ou du climat, subordonnées au crédit des magiciens ou des prêtres, à l’autorité des chefs politiques ou des pédagogues, mais la vérité, nécessairement et universellement vraie. Elle s’est donnée alors à elle-même la promesse d’une rénovation totale dans l’ordre des valeurs morales et religieuses. Or, soit que l’homo sapiens du pythagorisme ait trop présumé de sa force naissante, dans la lutte contre le respect superstitieux du passé, soit qu’il n’ait même pas réussi à engager le combat, on ne saurait douter que le succès de l’arithmétique positive ait, en fin de compte, servi d’argument pour consolider, pour revivifier, à l’aide d’analogies mystérieuses et fantaisistes, les propriétés surnaturelles que l’imagination primitive associe aux combinaisons numériques. La raison, impatiente de déployer en pleine lumière sa vertu intrinsèque et son efficacité, s’est heurtée à ce qui apparaît du dehors comme la révélation d’une Parole Sacrée, témoin « le fameux serment des Pythagoriciens : « Non, je le jure par Celui qui a révélé à notre âme la tétractys (c’est-à-dire le schème décadique formé par la série des quatre premiers nombres) qui a en elle la source et la racine de l’éternelle nature... »..."

    Quand on se met à "jurer", par le soleil, les étoiles, ou par "quelqu'un ", on nest plus sur le versant de la raison, mais sur celui de la foi et du "sacré"...

    Le schisme intervenu à l'intérieur même de la "secte" pythagoricienne conditionne toute l'évolution ultérieure de l'Occident, qui n'est en aucun cas "ethnique" ou "géographique", mais coïncide avec la tentative, toujours désespérée mais toujours renouvelée (tout au moins tant que dure l'humanité véritable) d'établir la condition humaine sur l'intelligence et le "moi spirituel" et non pas sur la foi révélée propre au "moi vital":

    "Il est à remarquer que le conflit des tendances n’est pas resté à l’état latent : il y a eu, sans doute vers la fin du Ve siècle, un schisme dans la Société pythagoricienne, et qui a mis aux prises Mathématiciens et Acousmatiques. Ceux-ci (et les expressions dont se sert M. Robin sont tout à fait significatives), « pour conserver à l’Ordre une vie spirituelle, parallèle à celle de l’Orphisme et capable de la même force d’expansion ou de résistance, s’attachèrent avec une passion aveugle à l’élément sacramentel et mystérieux de la révélation, à des rites et à des formules : les Acousmatiques ont voulu être des croyants et des dévots. Les autres, sans abandonner formellement le credo des premiers, en jugèrent l’horizon trop étroit : ils voulurent être, et eux aussi pour le salut spirituel de leur Ordre, des hommes de science. Mais cela n’était possible qu’à la condition de renoncer à l’obligation du secret mystique et de justifier rationnellement des propositions doctrinales. Aux yeux des dévots, ces savants étaient donc des hérétiques. Mais ce sont eux, hommes de la seconde génération pythagorique, qui ont transformé en une école de philosophie l’association religieuse originaire. C’est pourtant celle-ci, réduite à ses rites et à ses dogmes, qui a survécu jusqu’au réveil néo-pythagoricien. » (Op. cit., p. 67.)

    Ainsi, dans l’évolution du pythagorisme se sont succédé ou se sont juxtaposées les formes extrêmes de la sagesse humaine et de la crédulité théosophique, correspondant elles-mêmes aux limites idéales du mouvement que nous nous proposons d’étudier dans le présent ouvrage. Toutefois, étant données l’incertitude et la confusion de notre information historique, pythagorisme et néo-pythagorisme demeurent comme au seuil de la conscience occidentale. Nous ne sommes capables de définir cette conscience qu’avec Socrate, c’est-à-dire avec le portrait qui nous a été laissé de lui par des Socratiques. A partir de ce moment, nous le savons, l’homme se rend compte qu’il a la charge de se constituer lui-même, en faisant fond sur un pouvoir pratique de réflexion qui lie la réforme de la conduite individuelle ou de la vie publique à la réforme de l’être intérieur. A partir de ce moment donc, la question se pose pour nous de savoir quel a été, dans le cours de la pensée européenne, l’usage effectif de ce pouvoir ; ce qui revient à esquisser une monographie de l’homo sapiens."

    Et ce schisme dure encore à de jour, il a même pris les proportions d'un gouffre... numérologie, ou, sous la forme la plus "noble", arithmosophie, ont plus de vigueur que jamais, tandis que les "héros de la raison pure" que sont les théoriciens des nombres travaillent d'arrache pied et enregistrent  des succès considérables, mais bien sûr à l'écart des "fausses lumières" médiatiques, à part peut être la prodigieuse épopée du grand théorème de Fermat qui , après 350 ans, s'est terminée par le merveilleux achèvement d'Andrew Wiles, il y a déjà 15 ans maintenant...

    Things of interest to number theorists :

    http://www.sdu.edu.cn/esdu/number/THING.HTM


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