• Le cinéma actuel, surtout dans sa version hollywoodienne, est certes devenu un art mineur, voire insignifiant, mais il arrive encore qu'au milieu du tas de scories qui se déverse sur les écrans apparaisse une pépite qui brille dans les ténèbres :
    "Before the devil knows you're dead"(traduit en français par "7h58 ce samedi là" !!!) , le nouveau film de Sidney Lumet, est une de ces rares pépites, mais la lueur qu'elle diffuse est plus noire que le cul d'un taureau noir par une nuit sans lune : c'est un des rares films où j'ai vu des gens sortir avant la fin, de manière précipitée, tellement le film est dérangeant .... mais pas du tout à cause de l'hémoglobine ou d'effets spéciaux, il n'y en a pas : l'horreur qui s'en dégage est banale, comme la banalité du mal dont parlait Hannah Arendt...
    et pourquoi nous met il si mal à l'aise ? parce que nous sentons bien qu'il s'agit de nous, nous autres, petits voyeurs des salles obscures ... une voix qui ne saurait être décelée par nos appareils de détection les plus sophistiqués vient nous chuchoter à l'oreille : "Toi... oui toi là... toi petit homme qui te planques et qui crois que personne ne se soucie de toi ... et si on t'offrait de te regarder en face une bonne fois pour toutes avant que tu t'en retournes dans ton néant, de manière définitive cette fois ?"

    Le film débute par une "scène d'amour" (on comprendra plus loin pourquoi j'ai mis des guillemets)  : un homme en sueur (joué par le merveilleux Philipp Seymour Hoffman, que l'on avait pu voir dans plusieurs films des frères Coen comme Big Lebowski ou O'brother) fait l'amour (par derrière) à sa femme (la non moins merveilleuse Marisa Tomei) et ils prennent un pied sensationnel... on comprend vite que ce bonheur merveilleux les a pris comme par surprise (comme tout bonheur, soit dit en passant), parce qu'ils sont au Brésil, à Rio de Janeiro, loin de chez eux... dialogue : "tu ne voudrais pas qu'on s'établisse ici pour toujours ?" et elle "moi je suis partante...ici au moins on ne me prend pas pour une merde". Tout est dit, le film est sur des rails, et ils nous achemineront vers l'horreur occidentale, celle qu'avait trouvé Monsieur Kurtz de "Coeur des ténèbres" au fin fond de la jungle africaine... mais il est arrivé entre temps que la jungle a tout envahi, ce qui veut dire : qu'elle s'est déplacée de l'extériorité mondaine vers notre fonds le plus intime... il s'agit donc d'un acheminement initiatique infernal, d'une phénoménologie de l'Esprit inversée....
    ils ne resteront pas au Brésil, ils rentreront aux USA, le pays où l'on peut gagner beaucoup en travaillant beaucoup ou en trafiquant...beaucoup aussi... et ils devront redescendre : on ne peut pas passer sa vie à avoir un orgasme, vérité apodictique si j'ose dire. L'homme a perdu ce qui pourrait réunir le chaos de sa vie en un faisceau lié, un "moi", il s'en dédommage en se rendant régulièrement chez un dealer qui lui fournit sa came et quelques heures d'abrutissement... il pourrait aussi bien  se rendre périodiquement chez une "escorte" (une pute quoi..)... il gagne beaucoup dans l'immobilier, mais la drogue lui revient tellement cher qu'il a dû commettre des escroqueries comptables, il est aux abois, sur le point d'être découvert... son jeune frère, lui, est un loser alcoolique, incapable de travailler et de payer la pension alimentaire de sa fille... son ex-femme n'arrête pas de le traiter de vaurien, et lorsqu'il est dans l'incapacité de payer à sa fille le week end promis, celle ci lui dira en larmes avant de raccrocher : "mais pourquoi papa m'as tu promis cette sortie? il fallait me dire la vérité, que tu es un raté minable"... telle est l'ambiance au pays le plus riche du monde.

    L'homme de Rio , qui ne voit comme solution à son désastre intime que de repartir avec sa femme à Rio, pour faire plein de petites levrettes heureuses, propose à son jeune frère un gros coup (à défaut du bon coup qu'était sa femme à Rio, mais le petit frérot n'a pas besoin de l'invitation du grand): cambrioler la bijouterie familiale, qu'ils connaissent pour  y avoir travaillé, un samedi matin... ce jour là il y aura une forte somme au coffre, une vieille employée pour tout personnel , et leurs parents seront remboursés par l'assurance : "personne ne morfle et nous on est tirés d'affaire"..


    seulement voilà, le loser (Ethan Hawke) prend peur et embauche un complice, une petite frappe "white trash" new yorkaise qui se fera tuer en tuant la vieille employée... qui se trouvera être la mère des deux hommes, rien ne se passant jamais comme prévu... seul reste le père, aux bords de la crise cardiaque, un père (Albert Finney)  fou de douleur car il aimait tellement sa femme !
    à partir de là, le compte à rebours est enclenché vers l'affreuse fin, qui sera en même temps une sorte de salut... car enfin , un juif mort il y a 2000 ans n'a t'il pas dit : "la vérité vous rendra libres" ?....
    et à la fin il arrivera que le père qui aura enfin tout compris étranglera le fils ainé (comment nomme t'on l'inverse du parricide ?) qui est à l'hopital après un hold up sanglant entrepris en compagnie de son  jeune frère... qui prendra la fuite avec le gros paquet...

    fuite, mort, désespoir, drogue, alcool, sexe, amour-absence d'amour, ennui, peur, néant...
    Sydney Lumet continue, et achève sans doute, une trajectoire "descendante" qui mène de "12 hommes en colère" (1957), ce film exaltant où Henry Fonda seul contre tous réussissait à retourner les 11 autres jurés et à sauver la vie d'un condamné, à Network en 1976, film prémonitoire où  un présentateur vedette du JT , sur le point d'être limogé par sa chaine, entend des voix et devient une sorte d'imprécateur-gourou, qui deviendra peu à peu tellement incontrôlable que la chaine le fera liquider en direct lors de son talk show par deux tueurs à gage engagés parmi des gauchistes pro- black power..
    puis à 7 h 58  en 2007...
    même les films les plus noirs de Joel et Ethan Coen ne tiennent pas la comparaison : car dans "Fargo", dans "Blood simple", il y a un moment où ils nous font un clin d'oeil (c'est trop horrible, ce ne peut être vrai) qui nous aide à prendre de la distance...c'est ça, l'humour juif..
    je ne connais qu'un film qui aille aussi loin , c'est "Les arnaqueurs" de Stephen Frears, où une femme aux abois, essayant de fuir les bookmakers qui veulent la tuer parce qu'elle les a volés, propose à son fils de coucher pour une grosse somme d'argent, puis l'égorge et s' enfuit avec l'argent là aussi... mais il ne nous est guère possible de nous identifier avec les personnages du film de Frears, ils sortent trop de notre ordinaire...par contre cela nous est parfaitement possible en ce qui concerne les deux frères du film de Lumet ! c'est possible et c'est même inévitable !
    car enfin: la vie moderne, la vie de l'occidental moyen, qu'est ce donc d'autre qu'une fuite en avant éperdue vers le néant ?
    si la Bourse n'a pas trop chuté, si l'on a encore son travail, si le petit dernier n'est pas encore dépendant à l'héroïne, si l'on peut encore partir tranquille en week end ce coup ci, si l'on a pu sauter Maryse  ou Natacha hier soir, "jusqu'à maintenant tout va bien" !
    Une telle situation-dans-le-monde porte un nom : "nihilisme"...celui que Nietzsche appelait le "convive le plus inquiétant"... nous sommes les derniers hommes qui sautillons sur la terre devenue étroite en clignant de l'oeil et en sussurant : "c'est nous qui avons inventé le bonheur"... ou encore les "hommes creux" de TS Eliot , ce poème que récitait justement Kurtz-Marlon Brando en 1979 dans "Apocalypse now" de Francis Ford  Coppola, l'adaptation cinématographique ratée et grandiloquente (américaine quoi !) de "Coeur des ténèbres" de Joseph Conrad...mais "apocalypse" veut dire en réalité dévoilement.. ce qui renvoie à aletheia-vérité, qui est aussi dévoilement...
    dévoiler c'est à dire découvrir, et couvrir (d'un voile qui cache) renvoie à "kafir" ("mécréant", celui qui couvre) dans le Coran.
    jusqu'à maintenant tout va bien pour les fils fidèles d'Abraham...le petit reste , ceux qui garderont  leur foi jusqu'aux derniers temps avant d'entrer dans la Jérusalem céleste !
    mais j'ai bien peur qu'ils ne doivent maintenant supporter que quelqu 'un (en l'occurrence Moi, puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom), leur dise leur fait.
    Car si l'histoire sainte, puis profane, nous a menés jusqu'au cloaque actuel, il faut bien que la Vérité n'ait jamais existé sur la Terre ! même du temps de ""l'origine-Eden ", même de la bouche des "vrais" Prophètes qui sont venus après (version abrahamique) ou des incarnations périodiques du "Seigneur" (version Bhagavad gitâ)...et même de la bouche des "prophètes de la voie gauche", Shabbatai Tsevi et Jacob Frank, mes Pères, qui ont déconstruit tout l'abrahamisme et que je vénère pour cela, car "nous n'aurons pas tout détruit si nous ne démolissons même les ruines"... mais abattre n'est pas créer.
    Si l'on prend au sérieux ce petit jeu de langage selon lequel le salut est dans le dévoilement c'est à dire dans la vérité, alors il nous faudra admettre que c'est la discipline intellectuelle  qui a pour objet la vérité, c'est à dire la science moderne, qui est la religion, l'acheminement infini vers le "Dieu" asymptotique qui serait la Science réalisée (Renan) ... et si nous prenons au sérieux cette phrase puisée certes chez un mystique soufi (Attar, "Le langage des oiseaux"), selon laquelle "désormais le voyageur se confond avec le chemin", alors nous devrons reconnaitre que nous sommes "Dieu", l'Absolu, pour peu que nous nous confondions avec le chemin de la Science qui mène à ...nous mêmes.
    il est vrai que nous ne sommes pas tirés d'affaire, nous rencontrerons encore quelques dragons sur cette route prestigieuse... mais après tout, est ce que l'itinéraire de l'âme vers le  Dieu-Raison  devrait être un long fleuve tranquille ?
    nous trouverons ainsi sur notre route les contemporains "post-modernes", qui nient que la science ait affaire avec la vérité, préférant remplacer cette "idole vermoulue" par la validité intersubjective, ou la "solidarité et l'amour universel" (Rorty )... nous devrons même tuer le Père, ou plutôt le Frère ainé, et décapiter ce bon, cet admirable Alain Finkielkraut, qui place la vérité dans la littérature plutôt que dans la science... vraiment j' en ai le coeur "navré" comme on disait au Moyen Age !
    mais nous ne devons pas céder d'un pouce sur notre seule "planche de salut" possible : la Vérité est Une, et c'est l'objet de la  Science-Une (réunifiée, après avoir triomphé de ses tentations techniciennes et positivistes)... si nous devons être les maçons qui édifieront le "Temple", plutôt que de rebâtir les vieilles bâtisses de Jérusalem, alors il nous faut être des hommes du temple, des fanatiques .
    et nous n'en aurons pas encore fini (mais cela ne doit pas nous faire peur, car à la vérité nous n'en aurons jamais fini avec le danger d'anéantissement , puisque "nous sommes le Danger suprême"), il se fera que  nous rencontrerons des dragons un peu plus terrifiants, ceux que met en scène le physicien Lee Smolin dans son récent "Rien ne va plus en physique", où il se demande si la science actuelle, enlisée dans le relativisme , le positivisme, le "nouveau scientisme" , le calcul et la "pensée de groupe" , après ses grandioses découvertes de Galilée jusqu'aux années 1980 et le modèle standard des particules, si cette science donc va pouvoir repartir un jour ?
    mais avons nous le choix ? avons nous une autre possibilité que  placer une confiance absolue en notre seul viatique, celui qui dit que "Nous sommes Dieu en tant que nous sommes entièrement rationnels " ??
    ... à vrai dire :  Dieu et le cobaye universel, disait mon vieux maitre Raymond Abellio... mais les souffrances du cobaye passeront... ce monde passera...encore une fois, les mystiques (Saint Paul, Bouddha) sont là pour nous donner un dernier coup de main...ou de pied au cul...

    non nous n'avons pas le choix : car si nous nous retournons, nous ne voyons pas (pas encore) Sodome et Gomorrhe rasées par le feu du ciel (et de toutes façons c'est nous qui manoeuvrons le feu du ciel maintenant), mais  Hank et Andy, les deux frères Hanson, à 7h 58, ce samedi là .....


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  • "On tente de montrer que l'époque moderne s'est construite dans la lumière fossile de la Shoah; elle est empreinte de sa violence" : ainsi s'exprime Nicolas Klotz, réalisateur du film qui vient de sortir sur les écrans, "La question humaine".

    C'est un film à voir, très ambitieux, un peu ridicule, mais tout ce qui est ambitieux n'est il pas ridicule, de nos jours ? et puis au moins cela tranche sur la nullité de ce qui sort semaine après semaine...

    Je ne veux d'ailleurs pas ici me soucier du but du film, de sa réalisation, je n'ai aucune compétence pour cela, je désire juste livrer en vrac quelques réflexions "comme un cheveu sur la soupe à son propos"; je donne cependant ces quelques liens à propos du film :

    Paris, de nos jours : Simon, 40 ans, travaille comme psychologue au département des ressources humaines de la SC Farb, complexe pétrochimique, filiale d'une multinationale allemande, où il est plus particulièrement chargé de la sélection du personnel.
    Un jour Karl Rose, le co-directeur de la SC Farb demande à Simon de faire une enquête confidentielle sur le directeur général Mathias Jüst, de dresser un rapport sur son état mental. Ne pouvant pas se soustraire à la requête de Rose et ne voulant pas risquer de se mettre mal avec Jüst, Simon accepte du bout des lèvres, en se promettant de conduire une enquête discrète et de rendre un rapport le plus neutre possible... mais très vite en pénétrant dans la nuit d'un homme, Simon entre dans la sienne : Une nuit hantée par les fantômes et les spectres de l'Europe contemporaine."

    http://www.liberation.fr/culture/cinema/festivaldecannes/254761.FR.php

    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3476,36-953813,0.html?xtor=RSS-3476

    http://birenbaum.blog.20minutes.fr/archive/2007/09/10/travailler-moins-pour-gagner-moins.html

    pour ma part je placerais le film sous la garde de ces quelques extraits de Georg Trakl, le poète allemand  commenté par Heidegger (et par lui seul, s'agissant de philosophie et du destin historial de l'Occident) :

    "je vis entre la fièvre et l'évanouissement, dans des chambres ensoleillées où il fait un froid indicible", "ces derniers temps j'ai englouti une mer de vin, de schnaps et de bière" (1913)

    1914 : du 6 au 11 septembre bataille de Grodek, Trakl qui est médecin militaire (ou ambulancier ? ou infirmier ?) sur le front soigne les blessés : "je suis en observation à l'hopital militaire de Cracovie, pour troubles mentaux. Ma santé est en péril et je sombre très souvent dans une tristesse indicible"; derniers poèmes ; "je me sens presque déjà de l'autre côté du monde". Mort le 3 novembre 1914 suite à absorption de cocaïne.

    Cela fait beaucoup d'indicibles observera t'on, et beaucoup d'alcool .....

    quelques extraits de ses poèmes maintenant :

    "une branche me berce dans le bleu profond. Dans la confusion folle des feuilles d'automne scintillent des phalènes enivrés. Des coups de hache sonnent dans les prés"

    "l'appel d'un merle égaré et plaintif au jardin de la soeur silencieux et figé; un ange est devenu"

    et enfin le poème "Grodek" justement :

    "Le soir les forêts automnales résonnent d'armes de mort , les plaines dorées , les lacs bleus , sur lesquels le soleil plus lugubre roule, et la nuit enveloppe des guerriers mourants la plainte sauvage de leurs bouches brisées. Mais en silence s'amasse sur les pâtures du val, nuée rouge qu'habite un dieu en courroux, le sang versé, froid lunaire ; toutes les routes débouchent dans la pourriture noire. Sous les lambeaux dorés de la nuit et les étoiles chancelle l'ombre de la soeur à travers le bois muet....

    O deuil plus fier ! autels d'airain !

    La flamme brûlante de l'esprit, une douleur puissante la nourrit aujourd'hui,

    les descendants inengendrés"

    il parle de nous autres (les descendants inengendrés). "génération technique pure" dit le film de Klotz.

    Bien entendu le film pourra paraitre scandaleux à beaucoup : dire que la capitalisme libéral mondialisé est le fils naturel du nazisme, c'est aller très loin. mais le film dit il cela ? oui et non... ou plutôt je n'en sais rien. Il s'agit d'une oeuvre d'art, pas d'un traité de philosophie ou de sociologie.

    En fait ce que l'on entend dans le film, c'est que la langue "technico-commerciale" des rapports d'experts , de DRH, et autres "comités de pilotage" (comme en langue choisie s'expriment ces gens là !) est "habitée", "cache", "recouvre" (comme sur les chantiers d'archéologie des couches alluviales recouvrent des sites antiques) une autre langue, qui déjà "dissimulait" son objet réel : la langue des rapports techniques nazis sur l'extermination.

    Le film va plus loin : il trace un parallèle explicite entre les expulsion de "sans papiers" d'Europe, avec l'obsession d'obéir aux objectifs chiffrés et planifiés (par Sarkozy entre autres) , et aussi entre les stratégies de "dégraissage", les plans de diminution du personnel, avec les objectifs précis permettant de "discriminer" ceux qui restent et ceux qui sont virés , de même qu'à l'entrée d'Auschwitz il y avait deux voies... mais cela dit il y en a deux aussi au début de Deutéronome, quand Moïse s'adresse à tout Israel rassemblé : voie de la vie et voie de la mort. Dans le système de pilotage d'entreprise, ce sont les "absentéistes", les alcooliques et les "déficits d'adaptabilité" qui trinquent et prennent la voie de la sortie..

    Or chez nous et chez Himmler il n'y a plus que la mort : "toutes les routes débouchent dans la pourriture noire". Voie de la vie (ceux qui restent dans l'entreprise) = voie de la mort. Et c'est bien à une mort rythmée par les réunions et séminaires que se vouent ces cadres dynamiques, tous pareils et interchangeables, dans leurs costumes sombres. Le soir ils se saoûlent en boite techno, comme des japonais en goguette ; ils couchent aussi entre eux, mais le sexe n'est là aussi qu'un instrument de pouvoir; la femme est pareille à l'homme, ou vice versa, c'est bien "l'ombre de la soeur" absente, de la "fiancée des étoiles", qui est dépeinte dans le scénario.

    Scandaleux bien sûr ! et ridicule ai je dit ! j'ai assez dit leur fait aux "défenseurs de sans papiers" pour ne pas cautionner ces thèses "gauchisantes".

    Mais nous ne sommes pas ici , sur ce blog spécialement, pour nous complaire dans nos certitudes et nos évidences ; bien entendu, les juifs dans les camps étaient gazés, tués ; les ouvriers ou les cadres chassés de l'entreprise ne sont pas mis à mort. Sauf que s'il y a alcoolisme, ils peuvent avoir quelques difficultés à se "réinsérer" comme on dit... quel est ce grand militaire, qui frappé par un boulet et interrogé sur ce qu'il ressentait, avait répondu : "une certaine difficulté d'être" ...?

    si le système de la production-consommation-commercialistation tend à englober TOUT, et c'est bien là la nature totalitaire du Gestell mondialisé et globalisé, alors je suis désolé de devoir dire qu'il n'y a plus aucune place dans "le monde" pour ceux qui en sont chassés : "ils nous offrent une tombe dans les nuages, on n'y est pas couché à l'étroit" 

    Raymond Abellio parle quelque part, dans "Les yeux d'Ezéchiel sont ouverts" je crois, de l'alcool comme "instrument de sélection" : nous sommes bien dans ce registre chez Klotz; alcool, sexe, ce sont là les legs du dionysisme... très ancien héritage, aussi vieux que le judaîsme dont dérivent christianisme et Islam qui sont comme je l'ai dit ailleurs la cause réelle du génocide arménien ou de la Shoah : l'habillage racial nazi n'est justement qu'un habillage, les races n'existent pas, et sous ce paravent apparait l'atavisme religieux de haine et de pogroms..

    Nous devons, nous spécialement à "Mathesis universalis", rester les yeux ouverts et regarder en face cette autre évidence : d'une certaine façon, la "pseudo-modernité" contemporaine (la modernité pour nous désignera plutôt le 17 ème siècle cartésien et spinoziste, ce bref intermède où science et philosophie allaient encore de concert), qui inclut le nazisme, descend bien du cartésianisme, et donc est bien un fruit (pourri) de notre arbre, celui que nous entendons arroser et cultiver ici, l'arbre des sciences dont parle Descartes, dont le tronc est celui lui la "philosophia prima", la métaphysique...

    au fond, qu'est ce qui caractérisait la "banalité du mal", l'horreur spécifique de l'extermination "industrielle" qui est celle de la Shoah ? cela est dit dans le film, vers la fin, dans l'exposé d'Arieh Neumann (voir le film) , c'est le caractère industrile, le fait qu'aucun individu n'était "responsable" du tout, (sauf peut être les quelques chefs de niveau le plus élevé) parce qu'il était limité à sa tâche bien précise et "cadrée", "planifiée" avec une rigueur extrême.

    Nous reconnaissons là la décomposition d'une tâche globale en une multitude de petites tâches, selon le schéma du taylorisme industriel.

    C'était là aussi le grief qu'avait Theodor "Unabomber" Kaczynski, le célèbre mathématicien devenu terroriste, contre la société moderne : le fait que personne n'a de vision d'ensemble de son travail et de toutes ses implications, de ses tenants et aboutissants. Ce qu'il expose dans son "Unabomber's manifesto", qui est lisible sur le web.

    Cela découle bien, si l'on se place au niveau philosophique qui sous-tend ces schémas "techniques" (la technique est l'achèvement de la métaphysique disait Heidegger)  du cartésianisme si l'on veut bien se reporter aux "Règles pour la direction de l'esprit", qui sont le premier exposé de la "méthode", ou "mathesis universalis" :

    Règle 5 :

    "Toute la méthode consiste dans l'ordre et l'arrangement des objets sur lesquels il faut faire porter la pénétration de l'intelligence pour découvrir quelque vérité. Nous y resterons soigneusement fidèles si nous ramenons graduellement les propositions compliquées et obscures à des propositions plus simples"

    voir aussi la règle 6..."il faut dans chaque série de choses où nous avons directement déduit quelques vérités les unes des autres, remarquer ce qui est le plus simple"

    C'est aussi le même mouvement intellectuel qui préside au calcul différentiel, inventé par Leibniz peu après Descartes : décomposer en éléments les plus simples possibles, en "atomes" pourrait on dire.

    Mais je ne vais quand même pas me tirer une balle dans le pied , et dirais je, la réponse est dans la question : Descartes parle de "recherche de la vérité" (règle 4), de pénétration de l'intelligence... qui n'est guère la caractéristique principale du nazisme, non plus que des "comités de pilotage" en entreprises !

    et s'il fallait encore enfoncer le clou, lisons la règle 7:

    "pour l'achèvement de la science, il faut passer en revue une à une toutes les choses qui se rattachent à notre but par un mouvement de pensée continu et sans interruption" :

     l'argument de Kaczynski ne saurait donc être valable ici, le bsoin de "totalité" (relative à un domaine de pensée) est satisfait; le sujet (intellectuel) est sauf ! Dionysos démembré n'est décidément pas de chez nous... nous laissons cela aux nazis.

    Et puisque j'ai commencé par Trakl, je terminerai par la fin d'Urizen, de William Blake... et la révélation (quasi-gnostique) de la vraie nature du dieu démiurge de l'abrahamisme. Nos petits cadres et DRH s'y reconnaitront (notamment dans le "filet d'Urizen") :

    5. And their children wept, & built
    Tombs in the desolate places,
    And
    form'd laws of prudence, and call'd them
    The eternal laws of God

    6. And the thirty cities remaind
    Surrounded by salt floods, now call'd
    Africa
    : its name was then Egypt.


    U28.10
    7. The remaining sons of Urizen
    Beheld their brethren shrink together
    Beneath the Net of Urizen;
    Perswasion was in vain;
    For the ears of the inhabitants,
    Were wither'd, & deafen'd, & cold:
    And their eyes could not discern,
    Their brethren of other cities.
    8. So Fuzon call'd all together
    The remaining children of Urizen:
    And
    they left the pendulous earth:
    They called it Egypt, & left it.

     

    mais l'on admettra que sur "Mathesis universalis" je ne peux laisser le mot de la fin aux poètes, pas plus qu'aux mystiques, soufis ou autres kabbalistes...

    je terminerai donc, réellement cette fois, par le problème de la langue, qui, et là j'en tombe d'accord avec Klotz, et c'est d'ailleurs la thèse de Klemperer  dans "LTI : lingua tertii imperii", qui d'ailleurs a eu une suite sur la 5 ème république par Hazan : "LQR : lingua quintae respublicae", devient de plus en plus langue de propagande.

    Seulement si la langue peut devenir instrument de propagande, c'est bien qu'il y a quelque chose de pourri au royaume des mots : on reconnaitra là la principale thèse de notre Maitre bien aimé Léon Brunschvicg, dont la philosophie consiste en une guerre incessante contre l'entropie naturelle du langage; en une défiance vis à vis des "logoï" et un recours concomitant aux "mathemata" . "Word ! words ! words !" disait déjà Hamlet pour qualifier la scolastique, ainsi que : "Il y a plus de choses au ciel et sur la terre, Horatio, que dans toute votre philosophie" (il désignait ainsi la scolastique, dont Descartes marque pour l'humanité  l'émancipation).

    Certes la mathématique, et singulièrement la théorie des catégories, peut servir d'outil aux "comités de pilotage"; mais cela n'est qu'un usage parmi d'autres, et nous autres , dans la direction que nous a montrée Brunschvicg, nous visons ici un "niveau" tout à fait différent, celui de la physique par exemple, ou celui de la philosophie dont rêvaient Leibniz et Gödel...
     


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  • La défense de la laïcité doit elle se confondre avec la lutte contre les sectes et les religions ?


    A cette question perfide, nos modernes "croisés" de la laïcité, souvent "de gauche" et partisans de la "tolérance" , du "combat contre la Bête immonde qui toujours fait retour" et du fait "qu'on doit admettre que la France est devenue un pays multi-ethnique et multiculturel", répondent, la main sur le coeur et la bouche en cul de poule : "NON voyons ! la laïcité peut et DOIT parfaitement s'accomoder de la multiplicité des religions, nous ne sommes plus au temps horresco referens où la France était dominée par le christianisme, d'ailleurs l'Islam est la deuxième religion de France et bientôt la première , pas d'amalgame voyons, ne confondez pas Islam et islamisme, espèce d'infect islamophobe, l'Islam des Lumières est un message de paix et de tolérance, c'est les cathos qui sont intolérants".  Et ils repartent sur des chapeaux de roue pour aller saccager un champ d'OGM, ou manifester contre les cathos anti-avortement. Les divers "responsables" politiques ou associatifs, et les "hommes de médias" partagent tous la même "réserve" contre les blasphèmes et sentiments anti-religieux, le même "respect de l'Islam" et condamnent tous Robert Redeker , "qui bien sûr est libre de penser ce qu'il veut mais a exagéré dans la provocation".

    Mais moi je suis un homme libre, responsable de rien (irresponsable donc ), ni de droite ni de gauche, et je dis donc tout haut ce que certains pensent tout bas : "OUI la défense de la laïcité et de la liberté de conscience passe par la lutte, le combat d'idées, contre les religions, et surtout contre les religions s' autoproclamant universelles, et surtout contre le christianisme et l'Islam, et surtout, à notre époque, contre l'Islam, et non pas seulement contre la forme intégriste ou fondamentaliste de cette religion".

    Il s'agit de bien faire la différence entre les individus et les idées, et les idéologies, qu'elles soient politiques, "philosophiques" ou religieuses. Il va de soi que l'on doit le respect aux individus et à leur liberté de penser et de croire, tant qu'ils respectent la liberté des autres; par contre on n'a pas à respecter les religions ou les idées si l'on pense sincèrement qu'elles ne sont pas respectables. Je suis tolérant envers les individus, mais absolument intransigeant sur le plan des idées.

    La conviction qui est à la base de "Mathesis universalis" est simple : elle est que la révolution intellectuelle , le "changement de paradigme" du 17 ème siècle européen, d'où est issue la science moderne et plus généralement la modernité, est venue aussi mettre fin à l'époque des religions et des idéologies; désormais ce devrait être la science et la philosophie qui la fonde et à la fois est fondée sur elle, qui joue le rôle qu'auraient dû jouer les religions, à savoir l'unification de l'humanité en un peuple de "prêtres de la Raison". Mais si les religions ont été incapables de mener à bien cette tâche, comme le montre avec évidence la permanence jusqu'à nos jours des guerres ou conflits religieux, la science fait preuve de la même incapacité et infidélité, et ce selon nous parce qu'elle s'est séparée de la philosophie dont elle était issue : à partir du 18 ème siècle et des immédiats continuateurs de Descartes, Leibniz ou Malebranche,  un gouffre insondable a commencé de se creuser entre la philosophie, qui est bien souvent retombée dans son ornière scolastique ("Words ! words ! words!") dont Descartes avait voulu la libérer , et la physique et la mathématique, qui ont poursuivi leur route.... très en avant et "au large" du petit enclos philosophique !

    Aussi fixons nous pour tâche à la philosophie de l'avenir, si toutefois elle doit exister,  de redevenir, sous la forme de ce que nous appelons "Mathesis universalis", la compagne et à la fois la servante et la maitresse des sciences ; nous représentons ceci sous la forme d'un schéma mathématique d' adjonction entre deux foncteurs : l'un orienté de l'Unité vers le domaine du multiple, soit les sciences, l'autre orienté du multiple vers l'Un, la philosophie. Forme mathématique et rigoureuse de la procession plotinienne et néo-platonicienne.

    Mais la science actuelle file un mauvais coton, car elle oublie son rôle principal d'émancipation vis à vis des superstititions sectaires et religieuses par l'intelligibilité de plus en plus grande du monde, au profit de la domination et de l'exploitation de la "nature" dans le Gestell heideggerien, l'arraisonnement de tout, bref dans la technologie.

    Lee Smolin, dans son dernier ouvrage "Rien ne va plus en physique",  peint un tableau saisissant de cet état de fait pour ce qui est des institutions de recherche nord-américaines, où la liberté intellectuelle qui devrait être celle de la recherche est paralysée par le conformisme de quelques "grands pontes" âgés (et masculins ! et blancs !) qui fixent les bornes du domaine étriqué d'où les jeunes talents ne doivent pas sortir, domaine qui selon Smolin est celui de la "théorie des cordes",  qui selon lui toujours a échoué. Il appelle de ses voeux l'émergence de scientifiques-philosophes sur l'exemple des grands géants de la pensée du début du 20 ème siècle : Einstein, Heisenberg... Richard Feynman , ce grand virtuose des mathématiques, n'en était déjà plus un...

    Cet échec et cet enlisement de la physique date du début des années 80, la dernière grande réussite de la physique théorique étant le modèle standard, achevé vers cette date. Par ce qui n'est sans doute pas une coïncidence,  un mathématicien (je crois qu'il s'agit de Mac Lane , ou de Goldblatt) note qu'à partir de 1980 on assiste à une décrue des travaux théoriques par rapport aux travaux de mathématique appliquée à l'ingénirie. (Bien entendu, je ne veux pas dire par là qu'il ne faut pas faire de maths appliquées).

    Dans cette optique, la mutation de la recherche française annoncée par Sarkozy et ses valets sonne comme le glas : celui du rapprochement des unités de recherche et des entreprises, comprenez l'assujettissement total des premières aux secondes , soit l'alignement sur le monde américain et anglo-saxon, monde où les religions et le multiculturalisme relativiste tiennent le haut du pavé, et où la science doit renoncer à ses prétentions "fascistes" d'expliquer le réel pour se limiter au progrès technologique et à la prospérité économique . Les islamistes ne peuvent qu'être d'accord.

    Cette situation est selon nous désastreuse car elle marque le retour des obscurantismes religieux et idéologiques : avoir des portables toujours plus perfectionnés ne répond pas aux aspirations réelles de l'humanité, qui sont depuis Descartes et surtout Spinoza l'intelligibilité totale du monde, soit le projet philosophique et scientifique. La pensée, sinon la nature, a horreur du vide, et la place qui n'est pas prise par la Raison sera prise par les religions et leur irrationalisme foncier; si la Raison cède un pouce de terrain en admettant qu'une partie du réel lui échappe par essence, alors elle devra tout céder.

    Aussi nous joignons nous à l'appel à l'héroïsme adressé par Alain Badiou, suite à l'élection de Sarkozy,  aux hommes de science : ne pas renoncer à la tâche réelle de la science (et de la philosophie ajouterons nous) qui est d'ordre théorique , pour le plat de lentilles de la technologie. D'aileurs le réchauffement climatique et la limitation des ressources naturelles est là pour montrer la voie : dans l'ordre de la Pensée il n'y a aucune limite, la Raison est l'Infini; par contre dans l'ordre de l'extériorité naturelle, les limites à la maitrise et à l'exploitation du "Gestell" seront de plus en plus visibles...


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  • "La pensée de l'Asie et l'astrobiologie", de René Berthelot, est l'un de ces ouvrages importants que tout homme cultivé devrait avoir dans sa bibliothèque, et , ajouterais je, qu' il faudrait enseigner à l'école, tellement le thème du fanatisme religieux devient crucial de nos jours.

    D'ailleurs Léon Brunschvicg ne s'y est pas trompé, qui place un bref commentaire des thèses de ce livre au début de "L'esprit européen" (un des ouvrages capitaux de Brunschvicg, son legs à la postérité pourrait on dire, puisqu'il comprend les dernières leçons professées en Sorbonne de l'automne 1939 à Mars 1940, avant l'invasion allemande et la fuite dans la clandestinité de Brunschvicg, qui devait se terminer par sa mort en janvier 1944).

    "Astrobiologie", cela désigne le système d'idées que la marche des astres, avec sa régularité mathématique , et la croissance des plantes ont inspirées à l'humanité, et par lesquelles l'esprit des hommes a pu rattacher la vie humaine et les lois qui la règlent à la vie de la nature et aux lois de l'univers. Ce qui caractérise ce système c'est qu'en lui la force vitale et la loi mathématique sont intimement liées, et que l'esprit explique par cette union les évènements terrestre comme les phénomènes célestes. Il y a pénétration réciproque de l'idée de loi astronomique et de celle de vie végétale et animale; d'une part tout est conçu comme viant, y compris le ciel et les astres, de l'autre tout est soumis à des lois numériques, caractérisées à la fois par la nécessité absolue, par l'harmonie et la stabilité.

    La plupart des actuelles doctrines "ésotériques" ou occultes du monde et de l'homme : théosophie, doctrines d'Ouspensky et Gurdjeff, alchimie, soufisme, kabbale, mouvements de type "new age" sont une sorte de retour à l'un des stades anciens de cette astrobiologie, censé être un "pas en avant" par rapport à la science moderne "matérialiste et sans âme"; le cas le plus flagrant (et le plus attachant hélas, à cause de la personnalité hors normes de son fondateur ) est celui de l'anthroposophie de Rudolf Steiner. Et bien entendu nous devons mentionner aussi l'astrologie, l'inévitable astrologie, qui date de la Chaldée mais est devenue de nos jours le refuge des pauvres losers qui désirent que leur petite vie soit bien cadrée tous les matins par le petit encadré consacré à leur signe, et aux charlatans qui les exploite... sans oublier les recruteurs en entreprise, qui accordent grande importance à toutes ces fadaises de signe astrologique et d'écriture, voire de numérologie du nom etc..etc..

    Mais il s'agit là d' un pas en avant imaginaire , illlusoire, d'une avancée dans l'obscur: car le "progrès de la conscience dans la philosophie occidentale" étudié par Brunschvicg ne laisse place à aucune équivoque dans l'orientation : l'astrobiologie constitue un stade intermédiaire, stade qui a longtemps dominé l'Asie et le monde méditerranéen, entre les croyances primitives de l'animisme et du chamanisme, et la spiritualité pure de la science moderne et de la philosophie qui l'accompagne, qui est la "Mathesis universalis.

    Seulement ce stade intermédiaire, qui , initié en Chaldée et à Sumer, inspire des civilisations aussi variées que la Chine, l'Inde, la Perse, l'Assyrie, l'Egypte, Babylone , Israel  et la sphère méditerranéenne (y compris donc la Grèce ancienne) , est bien complexe; pour résumer ce qui ne saurait faire l'objet que de très longs développements , on assite à une sorte de décantation, de séparation chimique (ou alchimique) entre les deux éléments hétérogènes que sont la nécessité et la spiritualité d'ordre mathématique, qui sera transmis à l'Europe selon un processus long et compliqué, et l'élément violent, passionnel, irrationnel , qui caractérise la "vie" végétale et surtout animale, et qui sera l'apanage de l'Asie : soit qu'elle reste en arrière du mouvement qui aboutit à la science moderne, soit qu'elle soit touchée par l'expansion du monothéisme islamique, qui constitue la plus radicale continuation du prophétisme juif et son universalisation.

    Le monothéisme se signale certes par son opposition violente à la fois aux cultes agraires et à l'adoration des astres. Mais ce n'en est pas moins à partir d'idées présentes dans les religions astrales que l'idée monothéiste s'est formée, et d'ailleurs la distinction entre dieux "bons" (solaires,sidéraux, "lumineux") et démons nocturnes , qui aboutit à celle entre un Dieu bon et un "principe du Mal", n'a pas une autre origine; c'est d'Iran et de Babylone que prend son essor l'idée de l'unité de Dieu , qui est en même temps un Dieu personnel, et qu'elle est transmise aux Hébreux. Le passage du dieu de la cité, de la tribu, à un Dieu unique de l'univers, s'est opéré à Babylone avant qu'il ne s'opère en Israel. Et il a ensuite été transmis à l'humanité moderne par le biais du christianisme et de l'Islam.

    Mais l'évolution de l'Occident (chrétien) se différencie de celle de l'Asie et du monde islamique en ce qu'elle débouche sur la mutation scientifique de la fin du moyen Age au 17 ème siècle, mutation qui se constitue dans l'abandon définitif de l'élément passionnel, irrationnel qui caractérise le "Dieu personnel" du judaïsme et surtout de l'Islam. La décantation atteint son point final, seul reste l'élément purement spirituel car purement mathématique du monde des astres.

    Cette histoire, qui dure depuis quatre siècles, dure encore, et continue en montant toujours vers une connaissance plus unifiée et donc vers une "conscience" plus évoluée moralement, et en abandonnant (dans la révolution du 20 ème siècle en physique) ce qui était trop naïf dans la notion de stabilité et de loi immuable. Einstein, dont la relativité générale est à l'origine de la cosmologie moderne et de la très importante notion (rappelée par Smolin, que certains qualifient de "nouvel Einstein") de "background independance", comportant le caractère dynamique et évolutif accordé à la géométrie, était encore tellement influencé par l'éducation qu'il avait reçue à la fin du 19 ème siècle qu'il éprouvait toutes les peines du monde à oser même concevoir un Univers qui ne soit pas statique.

     Mais elle est bien plus menacée, cette évolution des idées qui se fait à coup de révolutions,  par le "retour" de l'élément non informé ni pacifié par l'idéalisme philosophique et mathématique, et qui prend de nos jours le visage de Ben Laden. Gageons que celui ci et tous ses "frères et semblables" ne se préoccupperont guère de ce que les vérités de la géométrie évoluent, mais par contre, pour ce qui est des lois d'Allah, ils risquent de se montrer intraitables Mort de rire


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  • L'image ci dessus montre la galaxie naine NGC4449, située à plus de 12 millions d'années lumière de nous, et ses "feux d'artifice stellaires", photographiée par Hubble en Novembre 2005 :

    http://hubblesite.org/newscenter/archive/releases/2007/26/

    Le titre fait allusion à la phrase célèbre de Kant :

    "Deux choses me remplissent le coeur d'une admiration et d'une vénération, toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. [...] Le premier spectacle, d'une multitude innombrable de mondes, anéantit pour ainsi dire mon importance, en tant que je suis une créature animale qui doit rendre la matière dont elle est formée à la planète (à un simple point dans l'Univers), après avoir été pendant un court espace de temps (on ne sait comment) douée de la force vitale. Le second, au contraire, élève infiniment ma valeur, comme celle d'une intelligence, par ma personnalité dans laquelle la loi morale me manifeste une vie indépendante de l'animalité et même de tout le monde sensible."

    Kant, Critique de la raison pratique, V, 77f

    Nous avons besoin à la fois de Kant et de Hubble, nous autres spécialement, nous les "hommes creux" au téléphone portable toujours vissé au creux de l'oreille, nous les "derniers hommes" qui clignons de l'oeil en nous croyant malins .... et nous avons raison de le croire, car au moins certains d'entre nous le sont, malins ! mais l'intelligence c'est une autre affaire ....

    C'est un "axiome" basique de "Mathesis universalis" que l'intelligence (visible dans le développement de la science fondamentale et de la vraie philosophie) et l'élévation "morale" vont ensemble; le "mal" est l'ignorance. Mais l'intelligence n'est pas le calcul qui me permet de "maximiser" mon profit (au dépens des autres). L'intelligence est cette faculté "absolue", toujours en progression, qui est à la racine de la fantastique épopée de la connaissance rationelle depuis les premiers philosophes-savants de Grèce.

    Kant a tort, à mon avis, de prendre pour argent comptant le sentiment d'écrasement que produit le spectacle du ciel étoilé sur tout esprit .... car le ciel, le monde, l'Univers, est "constitué" par l'intelligence. Il faut sortir du réalisme naïf, qui était celui de l'astrobiologie, ce stade intermédiaire entre les représentations du monde propres aux primitifs, et celle de la science moderne; stade intermédiaire qui a dominé en Asie et dans le monde méditerranéen, qui se caractérise par la pénétration réciproque de l'astronomie et de la vie végétale, animale et humaine. D'après les travaux de René Berthelot, commentés magistralement par Brunschvicg au début de "L'esprit européen"  (ouvrage capital car l'un des derniers, datant de juste avant la débâcle de 1940), la rencontre des thèmes végétaux et astronomiques daterait du 3 ème millénaire avant JC, en Chaldée, et aurait rayonné et dooné naissance aux pensée et religions de Chine et d'Inde, mais aussi aux religions qui sont "passées à l'Ouest", celles de Moïse, Jésus et Mahomet.

    La révolution spirituelle grecque (pythagoricienne)  puis du 17 ème siècle , qui fonde l'esprit européen dans sa spécificité et son universalité, consiste à débrouiller dans cet amas ce qui est de l'ordre de l'imagination et du vital, et ce qui est de l'ordre de l'esprit, de l'intelligence mathématicienne. Il s'agit de quitter le réalisme naîf des primitifs pour accéder à l'idéalisme de la physique mathématique.

    Et alors le ciel étoilé ne m'écrase plus, au contraire il se confond avec la loi morale en moi, qui n'est autre que la loi de l'intelligence, à rebours des superstitions religieuses et sectaires.

    Oui, nous en avons besoin, et nous en aurons besoin de plus en plus, de tourner notre regard vers le ciel et en même temps de tourner notre regard intérieur vers le sanctuaire intime de l'étude mathématique et philosophique (celle, en l'occurrence, de la cosmologie mdoerne, fondée par einstein et hubble, ainsi de Firedman, Lemaitre, De Sitter, et d'autres....).

    Car nous savons et sentons bien que sur notre planète , cela ne va pas et ira de moins en moins : affrontement des égoïsmes ethniques et particularistes, celaau nom des grands principes de la tolérance, de l'humanitaire, du respect des identités culturelles et religieuses...

    quand Hubble a photographié la galaxie naine ci dessus, la France brûlait....

    à signaler : l'ouvrage fondateur de la cosmologie moderne, "The realm of nebulae" de Hubble (pas le téléscope, l'homme !) , est accessible gratuitement à l'adresse suivante :

    ainsi que ce texte de Michel Paty sur "Le cosmos avant Einstein" :

    http://hps.master.univ-paris7.fr/Paty_Cosmos_avant_Einstein.pdf

     


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